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Contre le Bébé-Bulle-Mentale

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YSENGRIMUS   La vieille robinsonnade consistant à vouloir enfermer ses enfants hors du monde social connaît une vive résurgence, dans une version contemporaine toute pseudo-moderne, et la susdite robinsonnade ne manque pas de s’autolégitimer, sans balise critique aucune, en accusant de tous les maux le cirque hyper-informé contemporain. Une de ces fameuses mamans néo-contrôlantes soit disant éclairées de notre temps s’aperçoit soudain, un beau matin, que sa petite fille adorée chante, avec une précision de fine dentellière-parolière, la chanson sentimentale niaiseuse d’une de ces pubes télévisuelle ineptes, comme il y en a tant au tout venant. Sentant se plisser la bulle de son emprise et se jugeant partie prenante de notre chère petite élite frappée et fin-finaude début de siècle, Maman Néo-Contrôlante écrit tambour battant aux médias pour que cette pube idiote soit retirée des ondes, pendant les émissions pour enfants rosâtres de son petit trésor exclusif… Suppression d’abord, jugeote après.

En proclamant unilatéralement que cette pube niaiseuse, enchâssé bien sottement dans une émission pour enfant populaire, n’est pas de l’âge de votre petit bébé-bulle, chère Maman Néo-Contrôlante de notre temps, vous n’avez rien expliqué, rien décrit et surtout, vous n’avez rien compris. Au lieu de vous insulariser intellectuellement en allant vous plaindre aveuglément aux toutes abstraites et sécurisantes autorités-aux-doigts-sur-le-piton au sujet de la présence de cette niaiserie navrante au milieu d’émissions pour enfants, et d’accuser du tout de la chose la Grande Quétainerie Universelle Extérieure, la question fondamentale qu’il faudrait articuler est: pourquoi la douce enfant en fleurs reprend-elle par le menu cette chanson sentimentale spécifique (et ignore toutes les autres pubes fétides du baril)? Réponse implacable: l’enfant est tout simplement déjà interpellée par la portion d’univers social évoquée dans cette chansonnette. Vouloir l’en priver, l’en hyper-protéger, c’est retomber dans le vieux réflexe convulsionnaire du parent encore et toujours en retard d’une coche évolutive… Réflexe réactionnaire s’il en fut et, alors là, bien plus vieux et archaïque que Télé Stupidité & Associé(e)s.

Quand ton enfant chante une chanson, c’est qu’il est fin paré pour interpréter cette chanson, dans tous les sens du terme. Pourquoi la Maman Néo-Contrôlante contemporaine, et son conjoint, aussi frappé et pas plus fin qu’elle au demeurant, préconisent-t-ils toujours, ouvertement ou en sous-main, la compulsion anti-progressiste? Pourquoi faut-il que la chaloupe chialante penche toujours sur le même bord: tribord (la droite). Mais c’est une rengaine populaire du tout venant sociologique que votre petiote roucoule là, sans malice, rien de plus… Tapez du pied et cessez de bougonner… Personnellement, j’entends bien protéger mes enfants du genre d’ineptie de droite décrite ici. Et je le ferai. Notons d’abord que si ces Parents Néo-Contrôlants, pour leur part, ont cru «protéger» leur enfant de leurs propres compulsions retardataires en sursautant tapageusement de la voir fredonner une rengaine sentimentale «trop vieille pour son âge», ils ont fait exactement le contraire. La gamine a vu et bien vu, de son jeune œil acéré de petite chouette, que ça pognait, les enquiquinait bien, les faisait superbement rissoler dans leur Réaction et elle ne la lâchera plus maintenant, cette ritournelle… C’est à la fois bien trop drôle et bien trop susceptible de finir par leur faire cracher le morceau informatif tant convoité.

Bon, soyons lumineusement limpide. Moi, je VEUX que mes enfants entendent des chansons sentimentales niaiseuses de pubes télévisuelles ineptes sur leur poste, quand je pionce le samedi matin en investissant, à mes risques, la télé du statut fort douteux de gardienne d’enfants. Je trouve cela parfaitement inoffensif et je juge, en conscience, que ceux et celles qui prétendent protéger leurs enfants (et dans le mouvement, les miens) de la niaiserie omniprésente par la suppression opaque généralisée font un pur et simple acte de CENSURE non assumé. Je ne partage pas ce genre d’implicites «protecteurs». Je les juge parfaitement nocifs et inaptes à créer les conditions intellectuelles et mentales amenant mes enfants à se poser puis à me poser, en toute sérénité, les bonnes questions. Je trouve mal avisé et hautement inefficace de ne pas du tout préparer mes enfants à affronter le torrent bouillonnant de la bêtise ambiante, à laquelle les chansons sentimentales niaiseuses et autres manifestations vernaculaires de la même farine les initie ouvertement et fort indubitablement. Le vaccin contre la niaiserie, cela s’instille petit à petit et la solution répressive-suppressive pour Bébé Bulle-Mentale est une pure errance illusoire. Censurer, pour s’épargner d’éduquer, n’est pas jouer…

C’est bien certain qu’il y aura toujours un élément de risque dans la découverte du monde. Sauf que, hein, ne me donne pas ton poisson mais apprends moi à capturer mes propres poissons (Mao Zedong). L’absence de sens critique que les Parents Néo-Contrôlants imputent si rigidement aux enfants ne pourra se résorber que par une prise de contact initiale, empirique, directe, personnelle, authentique, libre avec la fadaise critiquable. C’est seulement quand la gamine chantonne les sottises de bon coeur que la saine gouvernance parentale entre en action. Pas avant… Si tout percute la muraille épaisse et onctueuse de la bulle mentale et comportementale de bébé-bulle par avance et rebondit hors champ, la seule chose qu’on protège vraiment, c’est l’autocratisme convulsionnaire, la raideur régressante, l’illusoire autorité, la sécurité temporaire, et la paresse intellectuelle des parents de Bébé-Bulle-Mentale… Les réveils ultérieurs de tout ce beau monde n’en seront alors que plus abrupts. Société de consommation ou pas, avec ordis, téloches, réseaux sociaux ou sans, votre mouflet va vous revenir un beau matin en fredonnant des fadaises douteuses et en fortillant dans un cadre de pensée suspect, que vous n’endossez pas. Ça, c’est fatal. Les gamins et les gamines choppent des trucs dans le grand bourbier de la flatulence universelle, eh oui, c’est dans le cycle de la vie. Il vous faudra alors insérer vos options entre l’écorce et l’arbre, en douce ou à la dure, rajuster, questionner, intervenir et ce, sur votre progéniture même, pas sur les sources torrentielles du fautif. Vous devrez agir sur la vision du monde de votre rejeton, déjà si différente de la vôtre, autant sinon plus que sur le monde même. Aucun appel au silence médiatique, aucun rejet a priori de la chienlit consumériste contemporaine ne vous épargnera ce rendez-vous crucial, devant votre enfançon, avec le débat critique des générations… Il faut donc laisser la fadaise bien agir, en ouverture, en l’enfant, sans malice, voir à distinguer ce qui glisse, de ce qui prend, de ce qui corrode et voir venir, en l’enfant toujours, son propre premier dégrossissage critique. Ce dernier sera souvent bien plus puissant que vous ne le soupçonniez…

Les parents contemporains interviennent trop. Ils bousillent purement et simplement l’univers maïeutique de leur enfant avec leurs grosses pattes bien intentionnées. Ils ne comprennent pas qu’ils sont les modestes instruments critiques de leurs enfants, pas leurs mentors ou leurs maîtres. Le reste de la société ne vaut d’ailleurs guère mieux. Elle y va aussi de son barouettage et de sa manipe. Se voulant des commentateurs sociétaux plus éthérés, subtils et autolégitimés que nos bons Parents Néo-Contrôlants, d’aucuns de nos pseudo-sociologues fins-finauds de toc se lancent aussi dans la promotion ouverte et hussarde de ces pulsions de censure, hypocritement déguisées en visées éducatives transcendantes. Ces pense-petits sans perspective affectent effectivement de se demander si, en laissant nos mouflets macérer dans le cloaque hyper-informé de notre temps, on ne les pousse pas trop vers le portail en fleurs vénéneuses du vedettariat instantané, de la mondanité superficielle, du ladygagaïsme à tous crins, ou de la vie creuse faussement enviable des gens riches et baveux, plutôt que de leur faire entrevoir le bonheur sain, sec et pur de la franche réalité et l’importance des métiers ancrés dans la vraie vie. On connaît bien cette rengaine là, aussi. En mirant le salaire et la gloriole de la dernière cinémateuse à la mode, comment voulez vous que nos petiotes aspirent à devenir chauffeuses de bus ou infirmières, s’écrient certains de nos folliculaires? Quoi maintenant? Il faudrait que je brise les reins des aspirations semi-fantasmées de l’enfance de mon enfant, comme au bon vieux temps du « curée de la famille », pour mieux faire plus de soldats dociles pour le capitalisme en ruine. Euh… Pas question. Vous voulez des infirmières et des chauffeuses de bus? Payez des salaires décents aux infirmières et aux chauffeuses de bus… Quand les infirmières feront autant que les médecins, les chauffeuses de bus autant que leur petits chefs, y en aura, des infirmières et des chauffeuses de bus…

En tant que parent, je ne me définis pas comme engagé dans une surveillance répressive d’assiégé mais plutôt dans un encadrement critique ouvert sur un monde où le génial et le mystérieux côtoient le niais et le fallacieux, en un kaléidoscope fugace et fluide. La métaphore de l’immunisation tient bien mieux la route ici que celle de la bulle protectrice. Que mon petit trésor reçoive la foutaise ambiante frontal, de plein fouet, qu’elle le traverse de toutes parts, qu’il y macère, y percole, s’en imbibe un peu, l’affronte à bras le corps. Il n’en mourra pas, va. Ça va juste lui tanner le cuir, lui dresser les oreilles et lui ouvrir les yeux. Mon chouchou me posera bien ses questions au bon moment et l’occasion me sera amplement donnée alors de dire mes lignes critiques.


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